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Le Drakkar furibard

Digressions sur la fin du Temps (clin d'oeil à Olivier Messiaen)

1 Octobre 2022, 15:43pm

Publié par Lazare Garcin

"Le temps est un grand maître, le malheur, c'est qu'il tue ses élèves."  Bouddha

"Pyrrhon, bien qu'il n'en souhaitât pas, ni le contraire bien sûr, eut des disciples aux noms différents : les zététiques cherchaient la vérité sans relâche, les sceptiques examinaient tout sans jamais rien trouver, les éphectiques suspendaient leurs jugements, les aporétiques s'affirmaient incertains, y compris de leurs incertitudes." Michel Onfray

 

Crédit photo : Arthur Sasse - 1951

 

Vous, je ne sais pas, mais moi, je commence singulièrement à être transi par ce monde en pleine capilotade. Non pas à l'instar des gisants de la Renaissance, tel celui de Guillaume Le François, sis, jadis, dans l'église Saint-Barthélémy de Béthune, mais plutôt comme la gitane de Georges d'Esparbès : « effarée, hagarde, sentant l'épouvante transir ses nerfs et gâter son sang. »

Kant disait : « Nous ne voyons pas le monde tel qu'il est mais tel que nous sommes. » Serais-je donc moi-même en fin de parcours ? Voilà qui n'est pas optimiste !

Mais, loin de moi à vouloir "jouer" les pessimistes. Quoique. Comme nous le confiait Hu Shi : « Les plus pessimistes d’aujourd’hui ont été les plus optimistes d’autrefois. Ils poursuivaient de vaines illusions. L’échec les a découragés. »

De là à culpabiliser, tel Saint-Augustin, quand il avouait  : « Male vixi ex me », (j'ai mal vécu de moi), il n'y a qu'un pas qu'il faut surtout ne pas franchir. Mais, bon, il se rattrape : « J’ai vécu ma vie en quête du changement, j’ai apporté une nouvelle orientation à mon existence, j’ai changé le « rapport à soi », pour aboutir à une transformation du « vivre soi ».

Voilà qui nous change des trois mots de vocabulaire émanant de débiles - peuplant les téléréalités ou autres sous-magazines "pipole" du service public ou des chaînes privées, sans omettre les journaleux et pseudo-experts qui mentent comme ils respirent - s'imaginant à la fois être le centre de l'univers et avoir toujours raison et, dans ce dernier cas, ignorant Kant qui leur rappellerait : « qu'on mesure l'intelligence d'un individu à la quantité d'incertitudes qu'il est capable de supporter. » 

Revenons à Saint-Augustin, qui verra le jour bien après Socrate, sinon ce dernier l'eût possiblement éreinté avec ceci : « Ne plus savoir ce que l’on dit, ne plus savoir ce que l’on fait, ne peux plus penser, les mots n’ont plus de signification. » C'eût été quelque peu féroce pour le philosophe et théologien chrétien romain aux origines berbères.

« Le langage est impuissant à exprimer tous mes déboires. » Sergiu Celibidache a-t-il lu Socrate ? Peut-être. Ce qui n'a rien de surprenant de la part de l'un des plus grands chefs d'orchestre de tous les temps, mathématicien et philosophe à ses heures, encore controversé aujourd'hui.

Le maestro s'avouait-il vaincu après la joute oratoire du philosophe grec ? « Faire perdre la tête ! C’est la condition indispensable, bien que négative, pour commencer à changer son existence : cesser de contrôler et laisser venir en imagination ou en corps tout ce qui voudra venir. Le non-sens ou la folie passagère ouvrent sur un monde plus souple et plus large. » Ces lignes, écrites au Ve siècle avant notre ère, relèvent d'un sacré optimisme !

Un qui a peut-être perdu la tête ne serait-il pas Alcibiade, encore un grec, un grand stratège cette fois-ci : « Socrate me déstabilise, je me vois dans l’obligation de modifier mon comportement. »

Voilà qui nous ramène encore à Saint-Augustin : « J’ai vécu ma vie en quête du changement, j’ai apporté une nouvelle orientation à mon existence, j’ai changé le « rapport à soi », pour aboutir à une transformation du « vivre soi ».  Ou encore : « Changer « le vivre avec soi ». Il y a bien un lieu en moi où peut arriver quelque chose, où peut se faire entendre une voix autre. » La quête, la quête, toujours la quête : « C’est en fuyant ma vie que je la cherchais. Mais était-ce la vie ? »

Et Socrate de "répondre" à Saint-Augustin : « Toute question posée, si elle est développée sans limite dans toutes les directions, aboutit à l’impossibilité de conclure et d’affirmer, à l’incertitude généralisée et au suspens. » Résolument, implacable est la socratique sentence.

Aussi, quoi faire ? Le philosophe Jean Grenier affirme : « Il faut renoncer au monde pour le comprendre. » Un autre plumitif énonce la même chose, Paul Valéry : « Un homme qui renonce au monde se met dans la condition de le comprendre. »

Dès lors, pour qui cela est dans le domaine du possible, faut-il emboîter le pas d'un anachorète pour, effectivement, appréhender ce monde, cette fin d'un monde, voire la fin du monde ?

« Chacun vit une fin du monde en vieillissant. » dixit Julien Green. Ce à quoi Jorge Luis Borges ajoute, peut-être agacé par toutes ces digressions : « Le moment dans lequel je vous parle est déjà loin de moi. » Et, tels Meng Haoran et Wang Wei qui inspireront Gustav Mahler pour son Chant de la Terre, se résoudre à : « errer dans les montagnes (...) Eternellement... Eternellement... »

Je vous souhaite une bonne fin d'un, du monde...

Lazare Garcin

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Olivier Messiaen - Quatuor pour la fin du Temps (extrait) - 6e Mouvement : " Danse de la fureur pour les 7 trompettes "

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    Nota bene :

nos précédentes publications sont
toujours visibles sur

 

 

 

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V
Brillant ! Merci à monsieur Lazare Garcin !
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